Devant le portail vert
de son école primaire,
on l’reconnait tout d’suite (on l’reconnait)
Toujours la même dégaine,
avec son pull en laine,
on sait qu’il est instit (qu’il est instit)
Il pleure la fermeture,
à la rentrée future,
de ses deux dernières classes (deux dernières classes)
Y paraît qu’le motif
c’est le manque d’effectif
mais on sait bien c’qui s’passe
On est les oubliés (Boussac Bourg, Ge-nou-illac)
La campagne, les paumés (Pontarion, Aubusson)
Les trop loin de Paris (Saint Chabrais, Bourganeuf)
Le cadet d’leurs soucis
A vouloir regrouper
les cantons d’à côté
en trente élèves par salle (Les oubliés)
Cette même philosophie
qui transforme le pays
en un centre commercial (Les éloignés)
Ça leur a pas suffi
qu’on n’ait plus d’épicerie,
qu’les médecins s’fassent la malle (Les désertés)
Y’a plus personne en ville,
y’a que les banques qui brillent
dans la rue principale
On est les oubliés (Heudicourt, Guillaucourt)
La campagne, les paumés (Matigny, Omiécourt)
Les trop loin de Paris (Andainville, Fresneville)
Le cadet d’leurs soucis
Qu’il est triste le patelin
avec tous ces ronds-points
qui font tourner les têtes (Les oubliés)
Qu’il est triste le préau
sans les cris des marmots,
les ballons dans les fenêtres (Les enclavés)
Même la p’tite boulangère
se demande c’qu’elle va faire
de ses bonbecs qui collent (Les déclassés)
Même la voisine d’en face,
elle a peur, ça l’angoisse,
ce silence dans l’école
On est les oubliés (Kirsch-les-Sierck, Vallerange)
La campagne, les paumés (Vergaville, Juvigny)
Les trop loin de Paris (Haironville, Loudrefing)
Le cadet d’leurs soucis
Quand dans les plus hautes sphères,
couloirs du ministère,
les élèves sont des chiffres (Les oubliés)
Y’a des gens sur l’terrain,
de la craie plein les mains,
qu’on prend pour des sous-fifres (Les méprisés)
Ceux qui ferment les écoles,
les cravatés du col,
sont bien souvent de ceux (Les révoltés)
Ceux qui n’verront jamais,
ni de loin ni de près,
un enfant dans les yeux
On est les oubliés (Malicorne, Mansigné)
La campagne, les paumés (Morancez, Gallardon)
Les trop loin de Paris (Venterol, Billezois)
Le cadet d’leurs soucis
On est troisième couteau
Dernière part du gâteau
La campagne, les paumés
On est les oubliés
Devant le portail vert
de son école primaire,
y’a l’instit’ du village
Toute sa vie, des gamins,
leur construire un lendemain,
il doit tourner la page
On est les révoltés !